Pourquoi le Maroc se dote-t-il d’une loi sur la protection des données à caractère personnel ?
Fin 2009, le ministère marocain de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies a lancé un vaste programme visant à développer l’usage de la technologie numérique au sein du royaume. Celui-ci a conduit notamment à une informatisation croissante des PME et de l’administration et à une meilleure accessibilité de la population à Internet.
En parallèle de cela, les dispositifs législatifs communautaires contraignent fortement l’échange de données entre l’Europe et ses voisins, complexifiant le développement d’activités d’Offshoring au Maroc.
Il devenait donc indispensable, d’une part, d’apporter au citoyen les garanties indispensables face à une hausse de l’informatisation et aux inquiétudes que cela peut générer (atteintes à la vie privée, spams commerciaux, etc.), et, d’autre part, de constituer un terrain favorable à l’afflux de capitaux internationaux.
C’est là tout l’objet de la loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, équivalent marocain de la Loi Informatique et Libertés française.
Pour les entreprises, outre le respect d’une nouvelle obligation légale, il s’agit dès lors de maintenir puis faciliter les échanges avec ses partenaires européens et de protéger son image, voire de faire de son souci de la protection de la vie privée un véritable atout concurrentiel.
Que dit cette loi ?
Afin de faciliter sa reconnaissance par l’Union Européenne, le législateur marocain s’est grandement inspiré des textes communautaires et en particulier français en la matière. On retrouve ainsi dans ce texte les mêmes principes que dans ses homologues européens :
- Un traitement de données à caractère personnel doit avoir une finalité précise, à laquelle il convient de se tenir, et une durée de mise en œuvre limitée, en fonction de la finalité. Un strict principe de proportionnalité doit ainsi être respecté : seules les données permettant l’atteinte de la finalité fixée doivent être manipulées.
- Les traitements doivent faire l’objet d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation, en fonction de leur sensibilité.
- Ils doivent être sécurisés, en particulier pour éviter tout vol ou fuite de données.
- Ils doivent être mis en œuvre en toute transparence. Les personnes concernées doivent être informées et ont un droit de regard sur l’utilisation de leurs données.
Une commission dédiée, la Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel (CNDP) est ainsi instaurée pour assurer le respect de cette loi.
Cette similarité des principes entraine bien sûr les mêmes difficultés pratiques, en particulier liées au champ d’application extrêmement étendu des définitions : la grande majorité des traitements mis en œuvre par les entreprises et administrations s’avèrent en effet être des traitements de données à caractère personnel.
Quelles conséquences concrètes pour les entreprises marocaines ?
Les entreprises marocaines ne disposent plus aujourd’hui que d’un laps de temps réduit pour mettre en conformité l’ensemble de leurs pratiques. De manière concrète, elles ont un certain nombre d’actions à réaliser. Elles doivent ainsi inventorier l’ensemble des traitements, effectuer les évolutions nécessaires, notamment pour respecter le principe de proportionnalité, réaliser les déclarations, faire un bilan de sécurité et lancer les actions nécessaires, y compris auprès des sous-traitants, mettre en œuvre les modalités d’information des personnes, etc. Un terme devra de plus sans doute être mis à un certain nombre de pratiques de démarchage, celui n’étant plus autorisé que dans un cadre précis.
Au-delà de ce projet de mise en conformité, il conviendra sans doute de refondre un certain nombre de processus de l’entreprise, notamment les processus projet, et ainsi d’assurer un maintien dans le temps du niveau de conformité atteint.
D’ores et déjà, la réflexion est plus qu’amorcée au sein de nombreux organismes. Sous la pression d’un grand public de plus en plus averti et d’un paysage concurrentiel de plus en plus mature, le niveau d’exigence en matière de conformité ne fera que croître.
Par ailleurs, au fur et à mesure que la pédagogie laissera place à la sanction, il est fort à parier que les exigences de la loi iront en se durcissant. Par conséquent, bien plus que de se mettre en conformité à une nouvelle loi, il s’agit de se familiariser dès aujourd’hui, à son rythme, avec ce qui permettra demain de répondre à des impératifs bien plus grands et bien plus pressants.
Marianne BENICHOU